En ce début 1993, le mastodonte International business Machines emploie encore plus de 300 000 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 64 milliards de dollars. Malgré la réduction drastique des effectifs menée lors de la décennie précédente (suppression de 120 000 postes), l’entreprise est au bord de la faillite (il manque environ 8 milliards de dollars pour boucler les comptes) et la seule solution préconisée par les experts consiste en l’éclatement d’IBM en une bonne douzaine de sociétés quasi-indépendantes.
Fin mars, Louis V. Gerstner Jr. accepte de prendre la présidence d’IBM et visite le siège de l’entreprise à Armonk. Amusé, Il constate qu’il n’y a aucun ordinateur sur le bureau du PDG !
Le premier contact
Ce même jour, il intervient, pour la première fois, devant le conseil de direction du groupe. Après avoir expliqué ses motivations pour accepter cette charge, Lou Gerstner présente ses toutes premières orientations :
- Éliminer la bureaucratie (dans un groupe qui compte alors plus de 120 directeurs des technologies et de l’innovation et plus de 250 systèmes de comptabilité) ;
- Décentraliser les prises de décision, en s’assurant du juste équilibre entre cette décentralisation, le respect de la stratégie globale et le souci du client ;
- Éviter de s’apitoyer sur son sort – pas de Cassandre – ou chercher à identifier les responsables de la crise, mais faire preuve de leadership, à partir d’une direction claire portée par une véritable dynamique ;
- Chercher les talents d’abord en interne avant de faire appel à l’extérieur ;
- S’attacher plus aux principes qu’aux procédures pour gérer l’entreprise ;
- Privilégier l’excès de vitesse, malgré le risque d’échec, à l’excès de lenteur, source d’immobilisme et de paralysie ;
- Réduire les comités et réunions au strict nécessaire, en développant une communication ouverte et directe (Gerstner a passé beaucoup de temps sur le terrain et au contact, refusant la langue de bois et prenant directement des notes lorsque les employés évoquaient un problème ou une difficulté) ;
- Trouver des solutions aux problèmes à chaque niveau, plutôt que de s’en débarrasser en remontant le problème à sa hiérarchie.
Enfin, Louis Gerstner rappelle que son premier travail, c’est la stratégie de l’entreprise. À ses collaborateurs de se charger du reste, sans omettre de l’informer, autant que nécessaire et sans dissimuler les mauvaises nouvelles.

La vision ?
Quelques jours plus tard, lors de sa première conférence de presse, il déclare « on s’est beaucoup interrogé pour savoir à quel moment je présenterai ma vision d’IBM et ce que je peux vous dire, c’est que la dernière chose dont IBM a besoin, pour l’instant, c’est d’une vision ».
En période de crise et face à l’urgence, la priorité porte plus sur la rapidité d’action et la réactivité que sur la recherche de la solution parfaite.
Les conseils du grand frère
Rich Gerstner, son frère ainé, ancien cadre de haut niveau d’IBM et toujours consultant pour Big Blue lui conseille alors :
- D’installer un ordinateur dans son bureau et à son domicile et d’utiliser la messagerie interne d’IBM pour communiquer directement, contrairement aux habitudes de son prédécesseur ;
- De mettre fin, en les dénonçant publiquement, aux comportements et agissements devenus une habitude au sein de l’entreprise : propositions sans intérêt, guerre des clans, manœuvres politiciennes et croche-pieds entre collègues ;
- De toujours se rappeler que ce que le président dit ou fait sera analysé et commenté dans l’entreprise et en dehors ;
- De s’entourer d’un petit groupe de conseillers qui n’ont pas d’intérêts personnels à défendre.
Soit, de manière très classique et applicable par tout chef d’entreprise, grande ou petite comme par tout manager : rester informé en permanence, communiquer de manière efficace, lutter sans relâche contre les fautes de comportement nuisibles à l’entreprise tout en ayant soi-même une attitude irréprochable et s’appuyer sur un premier cercle dévoué d’abord au succès collectif.
Le bilan des années Gerstner
Lorsque Louis Gerstner quitte IBM, Big Blue réalise un chiffre d’affaires de plus de 85 milliards de dollars avec un résultat net d’environ 8 milliards. La société emploie plus de 320 000 personnes et l’action a vu son cours multiplier par 10. Enfin, l’intégrité d’IBM a été préservée tout en se réorientant vers le marché des services, aux dépens de la vente de hardware.
Bel exemple pour alimenter nos réflexions, non ?
Louis Gerstner a présidé aux destinées d’IBM de 1993 à 2002. Il restera dans l’histoire du management moderne comme le dirigeant à l’origine du redressement spectaculaire de Big Blue. Cette renaissance, Il l’a racontée dans « j’ai fait danser un éléphant », publié en France en 2003.
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